Declan De Barra

Les chanteurs à grande voix portent souvent une croix trop lourde pour leurs épaules.
Hypnotisés par les extensions de leur organe, ils finissent par surinterpréter leurs chansons,
dissolvant l'émotion dans les trémolos fluviaux. Pensons à tout le mal qu'a fait malgré lui
Jeff Buckley à la pop moderne. Declan de Barra est de ces élus qu'on pourrait aisément
maudire. Sauf que cet Irlandais fait bien trente kilos de plus que l'Amé ricain noyé, et qu'il
se présente plutôt , selon l'humeur comme un "guerrilla troubadour" ou juste un "big hairy bastard ", On passe des lors a un tout autre archétype, celui de l'ours au cœur tendre. Un conseil corollaire : ne laissez pas vos copines écouter son deuxième Lp, A Fire Ta Scare
The Sun, Comme madeleine, on fait diff ic ilement mieux. Acoust ique frontale, limpid ité
de t' écho, rythm ique qui vous coiffe à l'envol, Unt il The Morning Comes conquiert sans
préambule. "I need you to warm up these bones " murmure le mâle. Dès lors, il n'a plus
qu'à recueillir les coeurs brisés. De l'é légie rédempt rice de Brightest Star à l'espérance funèbre de Red Forests, il ne chante que les incendies d'amour et les cendres qui leur survivent. Son lyrisme est une seconde peau, forgée par des années de nomadisme
et de vache enragée, nourrie par la terre d'Irlande et ses mythes ancestraux. On reviendra
notamment vers Johanna, illuminée de cordes, choeurs et cloche céleste, pour goûter sans
fausse honte au bonheur d'être tr iste, dans un de ces moments où la solit ude ouvre son ventre. Seul, puisque les filles sont déjà parties à la rencontre de son auteur. - Magic Revue Pop Moderne